"Nuno déboula dans un bureau où l'attendait un homme au visage empreint d'une profonde sérénité. Un large collier de barbe poivre et sel soulignait sa figure bien en chair. D'épaisses moustaches soigneusement peignées dissimulaient une bouche aux lèvres charnues trahissant une nature épicuro-culinaire confirmée par un embonpoint seyant comme à un coq en pâte. Un teint enluminé ensoleillait cette tête dégarnie en son zénith, luxuriante dans la région du menton et de la mâchoire inférieure.
Son supérieur hiérarchique, l'imposant et charismatique commissaire Loisel.[...]
La relation qui existait entre les deux hommes était d'une nature assez particulière: Nuno était le fils d'une amie de longue date de Loisel, aujourd'hui disparue. Sur son lit de mort, elle avait exprimé le désir que Loisel adopte et élève son enfant. Il l'avait guidé dans ses études comme dans sa vie en l'aidant de son mieux. Il l'avait entouré de toute son affection. C' est au contact de ce père adoptif que le jeune garçon se découvrit une précoce vocation de policier. Et aujourd'hui que Nuno exerçait enfin le métier, après en avoir très brillamment réussi le concours d'entrée, Loisel le prenait sous son aile.
Malgré l'entrée récente du jeune homme dans la profession, le commissaire lui avait accordé sa chance en lui offrant l'opportunité de l'assister dans son enquête. Loisel avait-il conscience que sa décision pouvait avoir été prise sous l'influence du lien qui les unissait ? Même si ce lien quasi-filial ne l'aveuglait pas au point d'altérer son jugement à propos des capacités professionnelles de Nuno - il n'en percevait pas moins les insuffisances de l'inspecteur Korrigan - et il savait pertinemment que son choix avait davantage été dicté par des sentiments intimes contre lesquels il ne pouvait pas grand chose. Dans l'exercice de ses fonctions, en dépit des apparences, derrière le masque professionnel, derrière le commissaire, derrière l'homme de devoirs, demeurait quoi qu'il arrive une parcelle irréductible de Loisel, l'homme, le père. Un père qui veillait sur celui qui était son fils d'adoption avant d'être son subalterne. Et pour Nuno une occasion inespérée de se bâtir une brillante carrière. Et une belle réputation.
Nuno était un boulimique de travail. Mais son ambition démesurée le desservait. Elle lui faisait négliger toutes les facettes de la vie sans rapport direct avec sa profession. Etre flic était devenu pour lui bien plus qu'un simple métier. C'était sa vie, toute sa vie, rien que sa vie. Son gagne pain. Sa passion. Sa distraction. Son refuge. Toute son existence se résumait dans ce carcan professionnel où le jeune homme s'était enfermé. Nuno regardait se consumer sa vie avec une insolente indifférence qui en déconcertait plus d'un, tandis que Loisel impuissant s'échinait à réfréner cette passion destructrice sans comprendre ce qu'elle cachait."
Commentaire de coeurdorizon (14/05/2018 11:41) :
je pense, et ça se sent à travers tous les articles, que vous avez
maîtrisée votre sujet de bout en bout.
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