"Resté dans l’ombre, un quadragénaire au menton fort et carré, la carnation hâlée, se mêla à la conversation.
- Allons Robert, ne t’énerve pas comme ça ! L’attitude de monsieur Loisel est des plus louables et c’est tout à son honneur d’avoir attiré notre attention sur ces événements. Je suis certain qu’il y a un petit malentendu. Et ce petit malentendu sera vite dissipé lorsque monsieur Loisel aura été mis au courant des fâcheuses incidences que pourrait avoir une décision vraiment… inopportune...
Loisel écoutait cet homme. Visage lisse, physique politiquement correct, voix posée sur du velours, de tout son être il était l’antithèse de Malthus qui, toujours, ruminait sa rage. Avec son apparence d’adulescent, Jean-Loup Barthélémy offrait toutes les garanties d’un homme bien sous tous rapports fort de son allure de jeune premier soutenue par une silhouette nonchalante. Le tout était enveloppé d’un costume clair d’où émergeait un visage consensuel et avantageux, bien dessiné avec des traits réguliers, apaisants, un sourire bien comme il faut, sourire indélébile fiché sur ses lèvres d’homme qui ne doute de rien et surtout pas de lui même, propres à rassurer les éléments de son électorat trouvant leur compte dans cet homme qui savait en imposer. Son air mutin, encadré par une chevelure rebelle rangée en bataille, lui assurait la sympathie des autres, des plus jeunes et surtout des femmes. Sa notoriété médiatique avait depuis un certain temps déjà dépassé les frontières de la ville qu’il ambitionnait de faire grandir à la démesure de sa mégalomanie. Pour complaire à ses électeurs, il n’avait pas hésité à payer de sa personne en recourant à la chirurgie esthétique et ses administrés, il le savait, aimaient être flattés de la sorte. La source des controverses idéologiques s’étant tarie, l’ère des luttes politiques et des grands débats de société était révolue, supplantée par le simple jeu des apparences qui devenait l’argument principal de ces hommes qui se faisaient encore appeler politiques afin d’entretenir l’illusion d’un engagement désormais factice. Flattés et reconnaissants envers un homme ayant commis cet acte chirurgical, ils ne cessaient de le plébisciter à chaque renouvellement de législature. Ses électeurs lui devaient bien cette marque de gratitude au fond. Cette modification esthétique était hautement symbolique à leurs yeux de l’intérêt que cet homme admirable portait à l’opinion publique.
Mais là, le premier magistrat se heurtait à un Loisel bien déterminé à ne pas s’en laisser conter.
- Je m’inquiète surtout de ce que l’on ne tienne aucun compte de ce qui est en train de se passer.
Barthélémy connaissait sur le bout des doigts le dossier Loisel qu’il avait soigneusement étudié. Mais il ne connaissait pas l’homme. Il ne l’avait même jamais vu. Pourtant avant même d’entamer la conversation avec lui, il savait déjà que le commissaire était tout à son obsession, son devoir d’assurer la protection des citoyens de la ville, et que si lui, tout maire qu’il était, voulait parvenir à ses fins, il n’y arriverait certainement pas en cheminant sur la même voie empruntée par Malthus. Jaugeant la situation engendrée par le coup de sang de Malthus, il décida, avant qu’il ne soit trop tard, de bifurquer pour prendre un chemin de traverse. Usant de son charme antinaturel et préfabriqué à grands coups de scalpel, paré d’un magnétisme qui contrastait avec l’attitude hiératique de Malthus, Barthélémy se prépara à engager le combat avec son contradicteur. L’œil étincelant, il fourbissait ses armes."
Commentaire de coeurdorizon (23/03/2021 18:41) :
re bonjour,
je viens de parcourir une grande partie de votre site... une merveille !!!
merci d'exister
voyance gratuite serieuse rapide